Une trahison par la mort...

Une nuit noire, sans étoiles… Un corps triste, fatigué, faible.

Il est là, assis près d’un ruisseau dans l’ombre des bois, et il regarde sa main, froide, blanche…

Il n’est plus le même. Il n’est plus un simple mortel doté de quelques pouvoirs, qu’il met au service d’un démon.

Non, il en est devenu l’un de ses fils, une bête destinée à accomplir ses crimes. Par moments des crises de transe le prenne, lui glace le sang et font de lui un simple animal avide de sang.

Il se souvient peu à peu des anciens temps, et se revoit à utiliser ses pouvoirs. Il se remémore une main, enflammée, saisissant ses ennemis pour les bruler au plus haut point, et les faire mourir dans d’atroces souffrances.

Et il essaye, essaye encore de retrouver sa force d’autrefois. Il déverse toute sa force en cette main, et fini par trembler de tous ses membres en déchirant le silence de la nuit par un long cri démoniaque… Un cri atroce, un cri lugubre, un cri de fureur contenue qui se déverse à cet instant…

Il n’a plus rien. Plus de pouvoirs, plus de puissance magique… Et ce qui le détruit encore plus, c’est le regard des autres… Il est devenu différent, et même sa douce Astaroth ne le reconnait pas… Mais pourquoi cette mort ? Pourquoi ? Il ne comprend plus…

Alors dans la nuit sombre il se meurtrit les poings contre les troncs et les roches, en déversant toute sa colère et sa tristesse… Et il regarde le ciel d'un oeil sanguinaire, pour hurler à ce démon qui l'a trahi…

POURQUOOOOOOOIIIIIIIII ???

Alors que je marchais lentement en direction du campement, j'entendis ce cri résonner. Plus qu'un cri, un hurlement. Comme un torrent de douleur cherchant par tous les moyens à s'échapper. De qui? De quoi?

Cela ne ressemble pas aux cris qui peuplent habituellement les alentours du camps. Piquée par la curiosité, je m'arrête un instant. Rien ne m'oblige à y aller. Pourtant, j'aimerais savoir. Alors, doucement, je prends la direction de cette détresse.

Le murmure du ruisseau est doux, la nuit agréable. Mais à l'instant où je distingue son ombre, je sais. Je le sens. Cette fureur, cette rage qui n'a presque plus rien d'humaine ne peut venir que de lui. Tout son corps semble crier aux étoiles tout l'intensité de sa haine. Ou de sa détresse? Je n'en suis pas sure.

Un dernier pas en avant et je sors de l'obscurité protectrice des sous-bois. Je reste là, debout, à l'observer un instant en silence. Il n'est pas comme dans mes souvenirs. Je n'y avais jamais fait vraiment attention auparavant. Peut-être ais-je eu tort. En même temps, je ne lui avais jamais parlé par le passé. Il faut bien une première à tout.

Je ne souhaite pas m'imposer. Cependant, il parait que parler peut faire du bien dans certaines occasions. Alors, si tu veux, je t'écoutes. Mais si ma présence t'incommode, dis-le et je m'en irais.

En un seul instant il s’est raidit, son hurlement s’est éteint, et sa main s’est posé sur sa dague, prêt à tuer… Son œil est en très peu de temps passé à un noir profond, confondant les pupilles et leur contour. Il observe, son cri a couvert à son ouïe l’arrivée de cette femme, et nulle autre pensée que de la tuer ne lui est passé par la tête… Il entend une voix, cette voix présente à chacun de ses meurtres… Un grondement rauque, guttural, aux consonances démoniaques…

Son œil est aux aguets, et observe le visage de la fille. Un visage familier, un visage qui ne présente pas de réel danger…

Lentement, un mal de tête assourdissant le prend, un nom lui revient du plus profond de sa mémoire. Lyriael, oui c’est elle, Lyriael… La jeune rodeuse des Malums…

Il porte ses mains à sa tête, poisseuses du sang s’écoulant lentement de ses jointures meurtries, et tente de s’assoir. A tâtons, il trouve une large pierre plate, et s’assied là, ne sachant plus trop où il est, ni ce qui s’est passé pour être si fatigué… Il se souvient d’avoir hurlé sa haine à ce démon meurtrier qui lui a menti, qui l’a trahi et en a fait son plus fidèle assassin… Un moment de vide, et cette voix féminine…

Il ne lui répond pas, et se noie de chagrin en redessinant en son esprit torturé par la douleur et la haine, les courbes du visage de la belle Astaroth…

Bien que ne sachant pas à quoi m'attendre, je fus surprise par la violence de ses émotions. D'abord, cette envie de meurtre qui m'a sauté au visage. Puis se regard, profond. Perdu.... Enfin, cette fatigue immense qui l'assomma avant d'être littéralement submergé par le chagrin.

Je n'ai pas bougé. Je ne sais pas vraiment quoi faire en fait. Je me sens un peu déplacé, personnage rouge perdu au milieu d'un décor en noir et blanc. Et puis, ce sang. Son odeur me gène. Il y a quelque chose, comme des relents de rouille. De mort.

Lentement, je m'adosse à un arbre proche. Je le regarde, puis laisse mon regard vagabonder vers les sous-bois. Son esprit est empli de chagrin. Cela résonne comme une triste mélodie à mon esprit. Se mêle à cela un sentiment que je ne connais pas. Mélange de perte, de manque et de quelque de plus profond. Et de fort. Très fort.

Tu penses à elle?

Une pointe d’agacement s’empare de son esprit, aux paroles de la jeune fille…

Si je pense à elle ? Bien sûr que je pense à elle triple idiote… Je ne fais que ça depuis des jours…

Il préféra garder ses pensées pour lui, et ne répondre qu’un simple

Oui… Elle me hante…

Un silence, lourd et profond… Lentement, il tourne sa tête et plonge son regard embué de larmes dans les yeux de Lyriael…

Dis-moi… Ai-je tant que ça changé ? Suis-je devenu si monstrueux ?

Pourquoi ne veut-elle plus de moi ??? Pourquoi ne me croit-elle pas ???

... Je n'en peut plus d'être séparé d'elle...

Dévasté. C'est le mot qui s'imposa à moi à l'instant où il croisa mon regard. Il n'était plus le même, ça c'était certain. Mais jusqu'à quel point avait-il changé? Cette question là, je n'en avait pas la réponse.

Monstrueux n'est pas le terme qui convient. Différent, ça oui. Mais tu es et restera Seriyu, et ce qu'importe le saint ou le démon auquel tu te voueras.

Pour le reste.... Désolé mais je n'ai pas de réponse à t'offrir. C'est un monde qui m'est inconnu. Il vaudrait sans doute mieux que tu t'adresses à Galis, Arwana ou Dream, enfin des personnes qui s'y connaissent mieux que moi sur le sujet.

Tout en disant ces mots, je détachais mon regard du sien. Je ne comprenais pas son malaise à ce propos, mais ressentais sa douleur jusqu'au plus profond de mon âme. S'il n'était pas Seriyu, je crois que j'aurais crains pour ça vie.

Peut-être.... Enfin, ce n'est qu'une idée, mais.... Parfois, le temps aide à apaiser certaines blessures. Elle n'a peut-être besoin que de ça. Un peu de temps.... Ou bien d'une preuve....

Une preuve… Une preuve… Oui, une preuve… Seule une preuve pourrait lui montrer que c’est bien moi… René d’entre les morts… Mais quelle preuve pourrais-je trouver ? J’ai tout perdu…

Il reste assis à se tenir le visage… Et il réfléchit longuement, en silence.

Puis lui vint un souvenir atroce… Celui de la lame froide… Celui de l’esprit vide de chaleur… Celui de son meurtrier. Tout deviens clair… Lui aussi désormais perd la chaleur de son sang lorsqu’il est en transe… Lui aussi deviens aussi rapide que la foudre, et plus silencieux qu’un félin dans ses pertes de conscience… Un instant l’horreur s’empare de son esprit en se repassant les mots de Shaârkü…

« Tu l’apprendras de toi-même, au moment où il te faudra le savoir. »

C’est un des autres assassins… Un être devenu comme lui : possédé par le démon… Il comprend désormais pourquoi il est mort… Le démon l’a tué pour en faire un chien fidèle… Un monstre capable de commettre des actes sanguinaires sans remord. De tuer sans hésiter, guidé par sa voix…

Il continue de fouiller en sa mémoire, et revoit ces longs instants passés dans les limbes. Il y avait tout, et en revenant sur Orépa il a tout perdu. Tout objet physique…

Puis, un éclair lui passe en tête… non il n’avait pas tout. Son bâton lui manquait. Seul objet détaché de son corps lors de sa mort. Le bâton tombé à côté de lui lors de sa chute.

Il se relève, et repense à une dernière chose… Eodin. Son phénix des glaces. Il est immortel, et doit donc veiller sur mon ancienne arme comme il veillait sur lui…

Ses yeux se dirigent vers Lyriael, et il lui dit simplement, le cœur remplit d’espoirs

Il me faut les retrouver, à l’endroit de ma mort… Suis-moi si tu veux, je pars en quête…

Apparemment, j'ai du viser juste. Le silence qui suivit mes paroles sembla s'éterniser. Aucun son ne venait troubler la quiétude du lieu. Seules nos respirations, la mienne calme et régulière, la sienne plus rapide et angoissée, étaient perceptibles.

Lorsqu'il croisa à nouveau mon regard, ce n'était plus le même. L'espoir venait de prendre le pas sur sa haine et son chagrin. Il semblait comme rajeunit. Non, il était redevenu humain. Un être capable d'autre chose que de pulsions sanguinaires.

Il me faut les retrouver, à l’endroit de ma mort… Suis-moi si tu veux, je pars en quête…

En quête? De qui? De quoi? Je ne savais pas si cela me regardait vraiment.
Venir? Pourquoi pas, après tout. Et puis, on ne sait jamais. Je ne pouvais l'imaginer à nouveau luttant seul envers et contre tout. En plus, il y avait cette 'chose' en lui. Elle risquerait d'en profiter

Dans ce cas, je t'accompagne. Tu pourrais avoir besoin d'aide. Et puis, un peu de compagnie n'a jamais fait de mal à personne....

Ils partirent ainsi, sans prendre le temps de prévenir le clan… Il n’en avait pas l’envie… Pas tant que sa quête ne se serait pas achevée… Pas tant qu’il serait sans Eodïn…

Il sentait au plus profond de lui que le ramener n’était désormais que la seule solution pour retrouver l’amour d’Astaroth. Elle reconnaitrait le phénix… Il fut leur premier messager, reconnaissable parmi cent autres… Le seul phénix de ces terres à ne pas être né dans les terres de feu, mais bien plus au nord, au milieu des montagnes glacées d’Orépa… Le seul phénix de glace existant en ces lieux… Lui, elle le reconnaitrait.

Ensemble, ils partirent vers l’Ouest, rôdeurs silencieux et rapides, ombres dissimulées aux fonds des bois…

En presque deux heures de marche rapide, ils traversèrent la forêt noire d’Orkishe, pour arriver à l’orée de ces bois, face à un océan de verdure à perte de vue…

Là leur voyage connu son premier moment palpitant… Face à eux se tenaient une trentaine d’orcs environ, tous armés et belliqueux, mais pas très débrouillards…

Bon… On les contournent ou on les massacrent ?

Enfin un peu d'animation. C'est que le voyage aurait presque commencé à me lasser. On s'ennuie vite à ne voir défiler que des paysages sans vie. Un sourire carnassier étira mes lèvres qui se retroussèrent légèrement.

J'entendis sa question à l'instant où je m'élançais. Pas la peine d'user mes flèches contre eux, ils n'en valaient pas le coup. Ils nous regardaient, braillaient des mots incompréhensibles dans leur langue guttural sans pour autant être prêt à l'affrontement qui n'était déjà plus qu'une question de seconde.

Le choc les tira un peu de leur torpeur. Deux corps étaient déjà à terre, gorges tranchées et presque vidés de leur sang. Parfait. Maintenant, le jeu allait vraiment pouvoir commencer.
Je sentis le feu se répandre à une vitesse incroyable dans mes veines, mes muscles, mon corps. Arrivée à ma gorge, je ne pus retenir un feulement. Sentant la puissance coulé en moi, j'enfonçais mon poings dans la poitrine de l'orc le plus proche et en retirai le coeur encore fumant, avant de le broyer entre mes griffes.

Une furie sans nom s'empara d'elle... Etait-ce là une transe semblable à la sienne ?

Un léger frisson lui parcouru l'échine, et il dégaina sa dague pour aller pourfendre quelques orcs lui aussi...

Il n'avait pas là l'aisance au combat que sa coéquipière démontrait sans problèmes. A bien des moments, son seul réflexe ne fut que de brandir sa dague, pour enflammer ses ennemis... Ce qui bien sûr n'eut à aucun moment un effet notoire, hormis parfois un rictus horrifié de l'ennemi visé...

Très vite les orcs, bien qu'en surnombre, se firent tailler en pièces... Le champ devint rapidement recouvert d'une épaisse couche gluante, noire, à l'odeur perfide... Du sang d'orc...

Lorsque Lyriael massacra le dernier debout à coups de manicle, Seriyu vint la voir, boitillant et grimaçant.

Et bien... Heureusement que tu n'a pas voulu te servir de ton arc... Je n'aurait pas survécu à leur nombre... D'ailleurs je crois que malgré ça mon manque d'expérience est notoire... Ils m'ont fait une belle entaille à la cuisse.

Mais enfin... Au moins le chemin est libre et on ne risque pas d'être repérés de derrière...

NE M'APPROCHE PAS!!!

Pourquoi l'odeur de son sang me mettait si mal à l'aise? Je n'avais jamais eu de vrai problème avec ça. Je détournais le regard, m'écartait un peu de lui et essayait de me calmer. Heureusement, la brise dispersa les effluves d'hémoglobines et je ne tardais pas à reprendre le contrôle.

Mes yeux perdirent leurs furieux éclats grenat, mes mains se détendirent et mes ongles disparurent. Le danger étant enfin écarté, je revins vers lui, prudemment. Mes pensées se bousculaient toujours dans ma tête sans pour autant m'empêcher de suivre ce qu'il se passait devant mes yeux.

Désolé, mais je ne voulais pas prendre de risques. Heu... Comment va ta jambe? Tu penses être en état de marcher?

Quelques instants elle me parut bizarre... Comme dans un état second. Un frisson me parcouru l'échine quand j'entendis cette voix en mon esprit...

La repousser...

Il faut... La... repousser... Ne pas retomber dans l'inconscience, et ensanglanter ma lame en tuant n'importe qui...

Lentement, la voix s'estompe, pour me faire revenir à la réalité des choses. Mes yeux perdent cet éclat noir, pour redevenir normaux...

elle aussi à l'air d'aller mieux... Serait-elle tout comme moi possédée ? Je n'ose même le croire, car elle pourrait ainsi être mon assassin.

Je tourne alors toutes mes pensées vers ma blessure.

Je crois qu'avec un simple garrot ça ira mieux... La blessure n'est pas profonde.

Rapidement, mais tout de même assez méticuleusement, il serra un bandage autour de sa cuisse, pour arrêter le saignement.

J'ai bien l'impression que c'est plus mon pantalon molletonné qui a souffert... Tant pis.

Allez, continuons, nous pouvons être à l'orée d'Ynos avant la nuit si nous ne perdons pas de temps...

Ainsi ils reprirent leur chemin, se dirigeant vers de désert d'Inia...

Dès qu'il se fut soigner, nous reprîmes notre route. Nous avalions les distances à une vitesse impressionnante, lui pressé sans doute d'avoir enfin ses réponses, moi le suivant en silence.

Tout en avançant, je ne pouvais m'empêcher de réfléchir. Était-ce vraiment un bonne idée? Après tout, si après tout ce chemin il ne trouvait rien, comment réagirait-il? Mais surtout, cette chose en lui le laissera t'il faire? Elle avait voulue intervenir à la fin du combat, contre moi. Peut-être était-ce un simple réflexe mais de ce fait, je savais qu'il me fallait me tenir prête à toute éventualité.

Nous vîmes les paysages se modifier en même temps que la luminosité. Le soleil avait maintenant presque disparu sur l'horizon. La beauté du jeu des couleurs ne put cependant calmer le rythme effréné de mes réflexions. Je décidais alors de rompre le silence.

Puis-je te poser une question? Tu n'es pas obligé de répondre mais j'aimerais savoir à quoi m'en tenir. Cette 'chose' en toi, elle s'apparente plus à de la possession, à un dédoublement de personnalité ou à une sorte de regroupement de pulsions meurtrières? A moins que ce ne soit quelque chose d'autre, auquel je n'ai pas pensé....

Il s'attendait à cette question.. Un jour où l'autre on la lui aurait posée... Mais il espérait pourtant que personne ne la lui posât si tôt...

Il s'arrêta, et sans la regarder il lui répondit, l'air sombre et pensif :

Je ne sais pas. Il y a cette ombre qui se dresse devant mes yeux... Je ne sais jamais pourquoi, ni quand cela arrive. Et cette voix... J'ai l'impression de l'avoir déjà entendue... Je ne la comprend pas, mais les sonorités sont les mêmes que celles employées par le Démon...

Je perds notion du temps, de l'espace... La seule chose que je sais réellement, c'est que ma dague est généralement ensanglantée à mon réveil...

Mais par moments les transes sont moins fortes, et j'arrive à me contrôler... Généralement, c'est quand une personne que je connais est à proximité...

Il tourna la tête, et ses yeux virent croiser ceux de Lyriael. Il y ressentit le doute, la méfiance...

Sans un mot de plus, il se retourna, et continua de marcher dans un sable fin, encore brûlant de la journée ensoleillée.

Ils n'étaient désormais plus très loin d'Ynos, dernier rempart avant le fleuve des plaines d'Ascalon...

Je vois.

J'étais presque surprise qu'il ait répondu. Je ne m'y attendait pas vraiment en fait. Du moins si rapidement. Il y avait de la fatigue dans ses paroles. Il cherchait à comprendre mais quelque chose lui échappait toujours. Pour l'instant.

Lorsqu'il se remit en route, je lui emboitais le pas. J'aurais voulu l'aider, ne serait-ce qu'un peu, mais je savais qu'il n'avait pas vraiment besoin de moi. Toute cette histoire, c'est seul qu'il devait la régler. Pour lui. Pour elle.

Merci d'avoir répondu.

C'est tout ce que je trouvais. Ça ne l'aiderait sans doute pas. Mais c'est tout ce que je pouvais faire pour l'instant. L'accompagner, respecter son silence tout en restant là s'il désirait parler.

Les secondes, les minutes, les heures passaient, et tous deux se rapprochaient ardemment de l'endroit où il périt auparavant... Qu'y trouveraient-ils ? bonne question... Lui même ne faisait qu'espérer que son phénix ai survécu...

Au bout d'un moment la nuit tomba finalement, pour finir par plonger le désert dans un noir éclairé de la faible lueur de la lune et des étoiles.

Couvres-toi, les nuits sont froides la nuit dans un désert. Mais au moins les vers de sable se rentrent, nous ne seront pas attaqués par ces vermines...

Au fil du temps, leur marche les conduisit jusqu'à la ville d'Ynos, oasis protégé par de hauts murs de pierres, infestés de gardes royaux.

Nous ferions mieux de contourner par le nord, je doute qu'ils ne laissent passer deux personnes en pleine nuit, sans s'inquiéter de leur identité.

Il s'arrêta, et pivota pour regarder Lyriael.

A moins que tu ne sois fatiguée... Mais dormir dans le sable n'est malheureusement pas très confortable. Tient, j'ai là une couverture, caches-toi derrière cette dune et dors, je ferais le guet.

Ne t'en fais pas pour moi, je ne suis pas fatiguée. Et de toute façon, ici nous sommes trop exposé. Ce serait prendre des risques inutiles. Il vaut mieux continuer notre route.

Le paysage désertique semblait transformé par la clarté lunaire. Tout en restant extrêmement dangereux, il paraissait moins agressif, plus doux que sous l'écrasante lumière du jour. La température était en effet tombé très vite, laissant s'installer le silence de la nuit. Le désert aurait presque paru accueillant si nous ne savions pas les pièges qu'il dissimulait.

Nous fîmes un grand détour au large d'Ynos. Autant éviter tout confrontation inutile, surtout contre les hommes du roi Victor. De toute façon, ils ne s'envoleraient pas, nous pourrions toujours revenir leur faire la peau plus tard. Mais pour l'instant, nous avions un objectif plus pressant.

Bien que nous parlions peu, j'eus l'impression que Seriyu devenait légèrement nerveux au fur et à mesure de notre approche. Peut-être redoutait-il ce qu'il risquait de trouver. Ou de ne pas trouver....
Doucement, la nuit s'éclaircit et les étoiles disparurent pour laisser place à une aube timide.

Un pâle soleil venait de sertir le ciel de mille couleurs, quand sous leurs pieds le sable se changeait peu à peu en herbe... Un instant, Seriyu sentit un mouvement sous ses pieds... Son seul réflexe fut de sauter sur sa droite, avant qu'une gueule profonde ne tente de happer son pied... Un monstre des sables voulait se régaler de leurs chaires... Seriyu voulut sortir sa lame vive démoniaque, mais une flèche bien placée de Lyriael fit vite repartir le monstre dans les méandres ensablés du désert brûlant. Se relevant, il épousseta le sable de ses vêtements, et fixa Lyriael dans les yeux...

Merci... C'est la deuxième fois que tu me sauve la vie... Je saurais m'en rappeler.

Il s'arrêta quelques instants, et finit par dire rapidement

Allons-y, nous sommes proches.

Une brise fraîche venait caresser leur visage, tandis que leurs pas les rapprochaient secondes après secondes plus prêt de l'endroit maudit... Au loin s'entendait déjà les murmures incessants du fleuve, et l'herbe sous leurs pieds était devenu luxuriante. Par moments, ils aperçurent au loin une âme à tuer, mais ne s'attardèrent pas à s'amuser... Ils avaient une quête bien plus importante à achever...

Après encore une demi heure de marche, Seriyu s'arrêta net, le regard désemparé, remplit d'une expression inexplicable... D'une voix qui n'était pas la sienne, il se parla à lui même en regardant un endroit précis...

Ashün nâkh marâan... Üshnäâr selnak...

Il ferma les yeux, et resta là, sans bouger... Après quelques instants, il rouvrit ses paupières, et l'éclat incandescent de la Flamme Noire avait disparu. Lentement, son regard se tourna vers la jeune Lyriael...

Là bas... Cet amas de verdure... C'est là...

Lorsqu'une voix étrangère s'éleva de la gorge de Seriyu, je fis un pas en arrière, une dague a portée de main. Puis, les mots s'éteignirent et ses yeux reprirent leur couleur habituel. Lorsqu'il se tourna vers moi, je n'eus même pas besoin d'entendre ses paroles pour comprendre ce qu'il se passait: nous avions atteint notre but.

Je m'avançais prudemment vers le lieu qu'il venait de me désigner comme celui de sa mort. A première vue, rien ne semblait différencier cette parcelle de terre d'une autre. Mais en y regardant de plus près, il semblait y avoir encore comme une trace, une image éthérée restée imprimée dans l'air. Un frisson me parcourut l'échine et je reculais légèrement.

Il reste une sorte de présence ici. Et je ne suis pas vraiment sûre qu'elle soit inoffensive.

Un bruissement furtif à notre droite attira soudain notre attention. D'un même mouvement, nous nous retournâmes, prêt à faire face à l'ennemi. C'est alors que d'un fourré assez proche sorti timidement un oiseau qui semblait vieux et fatigué. Son regard se dirigea instinctivement vers Seriyu.

Dis-moi, est-ce que ce serait....

Ce bon vieux Eodin, si... Il est resté à veiller sur mon âme... Ou du moins ce qu'il en reste. Il me semble que c'est là mon ancien pouvoir des arcanes que nous ressentons : ni vivant, ni mort, car le porteur n'est pas totalement rayé de ce monde. Mais il n'a pas l'air de comprendre ce qui se passe...

Lentement, pour ne pas effrayer la bête, Seriyu s’avança… Bientôt il dû s’accroupir, pour que l’animal et lui puissent se regarder, s’inspecter, se retrouver… Longtemps ils restèrent là, sans bouger… Le temps passant autour d’eux, inlassable, chaque seconde étant plus longue que la précédente à leur esprit, se renouant lentement pour former une symbiose pure et parfaite. La fusion éternelle d’un animal et de son maître…

Puis survint un événement des plus magnifiques… Le phénix des glaces se mit à émettre un petit cri brillant, clair comme le jour, réchauffant même les âmes les plus froides… Une aura de glace l’entoura, et bientôt son corps devint poussière gelée, tel un petit amas de neige au milieu d’une terre chaude et pleine d’une vie printanière… Seriyu, lui, ne bougea pas. Seul un sourire presque effacé apparu sur ses lèvres. Et il attendit… Une minutes, deux minutes, rien ne bougea. Ce fut comme si le monde s’était arrêté quelques instants pour laisser aux yeux présents, la chance de voir et d’apprécier l’immense beauté qui allait arriver.

Peu à peu, une forme se mit à remuer, éjecter fébrilement quelques brins de neige. Un petit bec apparu, puis la tête suivit, ornée de deux petits yeux fermés, entourés d’un petit duvet blanc d’une pureté incomparable. Un petit phénix rené, pour rentamer comme son maître, une nouvelle vie.
Il se mit à piailler comme un poussin, et Seriyu le prit délicatement dans le creux de ses mains, pour l’embrasser… Enfin l’espoir était revenu en son cœur meurtri, l’espoir de retrouver un ami de toujours, et l’espoir de prouver à sa belle que l’ancien Seriyu n’est pas encore mort…
Gardant précieusement le petit oiseau entre ses paumes, il se releva et se tourna enfin vers Lyriael.

Je crois que nous devrions partir… Nous n’avons plus rien à faire dans cet endroit maudit pour toujours…

Elle approuva d’un signe de la tête, et ensembles ils reprirent le chemin de leur campement, quelque part dans la forêt maudite d’Orkishe… Le voyage fut silencieux, les deux compagnons voyageant de nuit, non seulement pour se protéger de la Garde, mais surtout pour protéger Eodin des rayons du soleil, trop chaud pour son corps encore frêle…
Au bout de trois nuits de marche, ils arrivèrent enfin au lieu de leur premier massacre commun. Les corps des orcs étant restés là, entassés comme une semaine auparavant. Ils contournèrent le terrain ensanglanté, puis rentrèrent tous deux dans les bois sombres, suivant les chemins connus d’eux seuls pour arriver en silence au campement des Malums Hominems quelques heures plus tard.

A l’orée du bois, se tenait là Seriyu accompagné de la jeune Lyriael, et d’un petit phénix entièrement blanc. Il était là, sur son épaule, à mordiller l’oreille du rodeur pour éviter une chute en cas de bourrasque trop forte pour ses jeunes ailes…

Voilà déjà un bon moment que les deux rôdeuses se sont quittées, mais elle est encore là, la tête entre ses mains, assise sur sa couche. Cette même couche où ils ont partagé, elle et lui, des caresses, des baisers, une étreinte sans pareille. Cette même couche où, quelques jours auparavant, il l'a laissé là, endormie, attendant désespérément son retour. Mais il n'est jamais revenu. Enfin, elle s'en était convaincue.

Pourtant... Ses mots... ses gestes à son égare... quelque chose de similaire. Quelque chose de... Non. Elle n'y croyait plus. Elle ne voulait plus souffrir. Il était mort. Point.

Dehors, la lune brille de tout son éclat, illuminant un ciel triste, sans vie. Comme son cœur... Une larme vint s'écraser contre le sol. Puis une deuxième. Son corps, secoué par ses sanglots, trahissait un manque de sommeil conséquent. Elle releva enfin la tête, se redressant. D'une main, elle écarta ses cheveux noirs ébène de ses yeux, et les ramena en arrière, ses mèches retombant sur son front.
Elle se leva lentement et se dirigea hors de sa tente, au clair de lune.

De toute façon, je n'arrive pas à dormir, autant que je m'occupe l'esprit à autre chose...

Un vent glacial vint lui fouetter le visage. Un frisson la parcourra brièvement. Elle se ressaisi, son arc à la main, et s'avança vers le bois, noir et inquiétant.

Tandis que la jeune Lyriael s'éloigne en silence, Seriyu lui ne bouge pas... Ses yeux sont captivés par ses courbes si belles, son visage si beau, pourtant déformé par la tristesse et la fatigue... Il le voit, il le ressent... Ses yeux sont perles de nuit, ses cheveux des fils de soie d'une légèreté incroyable... Elle est ange de son cœur, déesse de son amour, prêtresse de ses pensées...

Alors qu'elle avance vers lui, Seriyu observe, se morfond de plaisir en la regardant... Ses pensées sont embrouillées, enveloppées dans des tissus de souvenirs anciens. Puis s'y mêlent des images irréelles, des désirs profonds de son esprit... Il se voit la serrant de nouveau dans ses bras, non plus magicien, mais rôdeur... Il s’imagine auprès d’elle, corps contre corps, lèvres contre lèvres... Homme contre femme. Il se voit avec elle, enivré de douceur, sevré de caresses, allongé contre elle, ou assis à ses côtés comme auparavant...

Le petit phénix se laisse tomber dans une fougère, et sautille jusqu’aux pieds de celle qui, au plus profond de son tissu cérébral avancé, est et restera celle que son maître admet comme moitié... Il se met a piailler, et montre son désir d’être pris dans les bras fins de la douce rôdeuse.

Toujours caché dans l’ombre qu’il affectionne tout particulièrement, Seriyu reste là, sans bouger. En des temps anciens, il aurait montré sa présence par une main enflammée, mais désormais non, il n’ qu’une chose à faire, il n’a qu’une chose à dire...

C’est moi...

Sa progression fut arrêtée nette. Une sensation étrange la saisie soudain. Elle baissa lentement ses yeux clairs vers le sol poussiéreux. Elle s'accroupit alors, et tendit ses mains en avant.
Frêle, minuscule, bruyante...

Un sourire s'esquissa sur son visage jusqu'alors inexpressif. Elle prit le phœnix dans ses bras, et le caressa contre sa joue, fermant les yeux. Ses ailes glacées frétillèrent contre sa peau. Elle murmura dans un souffle...

Eodin...

L'oiseau, aux plumes argent, sembla réagir sous ses mots. Il sautilla dans ses mains, essayant de lui faire passer un message.

J'ai compris, Eodin, à l'instant où je t'ai vu...

Elle releva la tête et s'avança de quelques pas, le Phœnix toujours contre elle.

Alors, c'était bien toi... Tu es revenu...

Son sourire n'avait pas quitté son visage, mais ses yeux commençaient lentement à se brouiller de larmes.

Son cœur ne tint plus… Il allait exploser, éclater de bonheur… Plus aucun son ne sortait de sa gorge, plus aucun autre sentiment que l’extase ne l’habitait…

Ce fut comme si le monde n’existait plus. Comme si nulle autre chose n’existait qu’eux trois… Le monde était vidé de sens, de soucis, de guerres et de rivalités incessantes… Seul son visage comptait désormais. Ce visage… Le visage… Le seul qu’il chérissait, qu’il ne pouvait s’empêcher de regarder sans éprouver cette boule au ventre, ce sentiment d’étouffement, comblé d’une myriade d’étoiles de beauté agglutinées pour former un corps angélique…

Il ne dit rien, et s’avança pour la prendre en ses bras, la serrer contre lui, et caresser son échine comme autrefois… Il ne put réprimer ces quelques larmes de bonheur que chaque être verse en ces moments de pure allégresse, bercé dans les bras de sa douce Astaroth…

- J’ai cru ne jamais pouvoir te retoucher… J’ai maudit les dieux de ce qui s’est passé… Crois moi, je n’ai jamais voulu te quitter. Ce n’était qu’un jour comme les autres… Pardonne moi de ne plus être celui que tu as aimé…

Mais déjà ce moment de tendresse était perturbé, le pauvre petit phénix n’appréciant guère d’être serré entre deux corps adultes…